Analyses & Studies
Eire Eco - Juin 2020
Vous trouverez ci-dessous le point sur la situation économique irlandaise du mois de juin 2020.
Macroéconomie
Estimations de croissance réelle annuelle et trimestrielle du PIB –
(Mise à jour) La crise économique résultant de la pandémie de coronavirus se traduira par l’entrée en récession de l’économie irlandaise en 2020. Selon les sources et les analyses, cette récession pourrait être comprise entre -1,6% et -17%.
N.B : lorsqu’un seul chiffre est présenté pour le scénario avec crise sanitaire, cela signifie que l’institution n’a pas estimé nécessaire de publier deux scénarios.
Source : SE de Dublin
1/ CSO
L’estimation préliminaire de la croissance au premier trimestre 2020 ressort à +1,2% en glissement trimestriel et corrigé des variations saisonnières (g.t./csv) après +1,7% au dernier trimestre 2019. Les principaux facteurs de croissance au premier trimestre ont été les exportations nettes (+1,9Mds€), en raison d'une baisse des importations (-1,5%) et d'une hausse des exportations (+0,2%), et la consommation des administrations publiques (+0,5%). Le secteur manufacturier enregistre une croissance significative de +15,4% (g.t./csv), dynamique s'expliquant par la hausse de l'activité du secteur pharmaceutique dans le cadre de la pandémie. L’investissement total se stabilise à -0,0% (après une hausse de +154,1% au quatrième trimestre 2019), malgré une hausse des brevets de propriété intellectuelle (+51,4Mds€). Ces opérations augmentant les importations dans les mêmes proportions, l’impact sur le PIB est neutre. En parallèle, la consommation des ménages se contracte de -4,7% au premier trimestre 2020. De même, la demande totale intérieure modifiée, mesure alternative corrigée de l’activité des multinationales, enregistre une baisse de -3,8%. Les secteurs dit traditionnels voient leur activité se contracter substantiellement : l'agriculture et l'hôtellerie/restauration/distribution enregistrent respectivement une contraction de -4,7% et -12,7% (g.t./csv).
2/ ESRI
L'ESRI (Economic and Social Research Institute - think tank irlandais) a publié le jeudi 28 mai son dernier rapport trimestriel sur la situation macroéconomique irlandaise. S'inscrivant dans la lignée des prévisions réalisées par le ministère des Finances ou la Banque Centrale d'Irlande, le rapport estime à -12,4% la contraction du PIB pour l'année 2020 dans son scénario central, révisant ainsi à la baisse sa précédente estimation datant de mars 2020 (à -7,5%, soit -4,9 pp). Autre nouveauté, le centre de recherche, qui s'était jusque-là centré sur un scénario, propose ici de compléter le scénario central par une perspective plus sévère ainsi qu'une plus clémente (cette approche rejoint celle choisie par l'Ifac, organisme de surveillance budgétaire irlandais). Ainsi, la contraction du PIB irlandais en 2020 pourrait s'établir entre -9% et -17%, selon l'évolution de la situation sanitaire. Le think-tank estime ainsi que l'impact de la crise sera a priori bien plus important que précédemment envisagé. Il recommande par ailleurs la mise en place d'un plan de relance ambitieux au second semestre 2020 et avertit des risques pesant sur les prêts hypothécaires en raison de l'augmentation du chômage et de la baisse anticipée des prix de l'immobilier.
Dans le scénario central, la consommation chuterait de -13,3% (-20% scénario sévère et -12% scénario clément) en glissement annuel, en raison d'une part des restrictions sanitaires limitant les possibilités d'achat et d'autre part de la hausse de l'épargne de précaution ainsi que des modifications comportementales. Selon le rapport, les aides exceptionnelles mises en place par le gouvernement aux ménages en difficulté devraient accroître le taux d'épargne (+6% du GNI*) et ainsi agir comme un stimulus lors de la reprise de l'activité économique. Les investissements enregistreraient une diminution de -27% en 2020 (-39% scénario sévère, -18,4% scénario clément), en raison 1/ de l'incertitude, 2/ des fermetures obligatoires pour certaines entreprises et 3/ de l'interruption globale des chaines d'approvisionnement. Pour mémoire, au pire de la crise financière de 2008, les investissements avaient enregistré une chute de -17% en glissement annuel (2009).
Les exportations irlandaises connaîtraient une baisse de -8,2% en 2020 (-9,7% scénario sévère, -6,7% scénario clément). De même, les importations diminueraient de -12% en 2020 (-13,2% scénario sévère, -9,9% scénario clément). Le rapport mentionne que les secteurs de fourniture en machinerie et équipements ainsi qu'en biens de consommation non périssables devraient être plus touchés par cette baisse des importations.
Concernant le marché du travail, le taux de chômage en 2020 devrait s'établir à 17,4% (19,4% scénario sévère, 15,2% scénario clément), enregistrant un pic au T2 2020 à 24%.
Enfin, en matière de finances publiques, l'ESRI ne présente dans son rapport que les résultats du scénario central en raison du niveau d'incertitude très élevé concernant les recettes fiscales ainsi que les dépenses gouvernementales. Les recettes fiscales devraient enregistrer une baisse de -16% en 2020, passant de 59,3Mds€ en 2019 à 51Mds€ en 2020. L'ESRI estime à -27Mds€ le déficit budgétaire pour 2020 (soit -8% du PIB) mais rappelle que ce chiffre pourrait augmenter au cours de l'année. Le ratio dette publique rapportée au PIB est estimé à 76% en 2020, alors que sa version corrigée de l'activité des multinationales (ratio dette publique rapportée au GNI*) pourrait s'établit à 127%.
Note explicative : le scénario central se fonde ici sur la mise en place réussie du plan de réouverture progressive de l'économie présenté par le gouvernement irlandais et qui doit s'étaler jusqu'en août 2020 avec la mise en place de mesures sanitaires de type distanciation physique. Le scénario dit sévère s'articule autour de l'apparition d'une nouvelle vague d'infection au moment de la réouverture progressive de l'économie avec pour résultat le re-confinement de la population (le think-tank souligne que d'autres raisons indépendantes d'une nouvelle vague pourraient déclencher une récession plus sévère). Enfin, le scénario clément table sur la disparition de la pandémie permettant une reprise plus rapide de l'activité économique, avec un retour à la normale dès la fin de l'année 2020.
3/ OCDE
Les estimations de l'OCDE sont sensiblement plus optimistes que celles du ministère des finances irlandais ou de la Banque Centrale d'Irlande. L'organisme se fonde sur deux scénarios distincts : un scénario pessimiste avec une seconde vague de contaminations en automne et un nouveau confinement et un scénario optimiste pour lequel l'épidémie serait contrôlée. Dans le cas du scénario pessimiste, le PIB réel irlandais enregistrerait une contraction de -8,75% en 2020 suivie par une absence de redressement de l'économie en 2021 (-0,2% de contraction du PIB). Dans le cas du scénario optimiste, l'économie irlandaise se contracterait à -6,75% en 2020 avant d'enregistrer une croissance de +4,75% en 2021. L'OCDE indique que malgré sa résilience, l'économie irlandaise reste marquée par les reliquats de la crise financière de 2008 qui la rendent vulnérable à de nouveaux chocs négatifs. Un endettement encore élevé des ménages, la faible rentabilité du secteur bancaire et un niveau de dette souveraine important pourraient ainsi aggraver l'impact de la crise économique actuelle. L'OCDE signale également les risques liés aux négociations entre le Royaume-Uni et l'Union Européenne et à la mise en place de droits de douanes après la période de transition. Sur une note positive, le rapport note que la part importante du secteur pharmaceutique en Irlande pourrait limiter les effets négatifs de la crise via des externalités positives sur l'économie intérieure. Le gouvernement doit rester attentif et prêt à mettre en place de nouvelles mesures de soutien à l'économie, particulièrement dans le cas du scénario pessimiste.
Activité économique – L’activité du secteur manufacturier irlandais continue de se contracter au mois de mai 2020. L’indice PMI manufacturier irlandais se maintient en effet sous la barre symbolique des 50 et s’établit à 39,2 en mai 2020 contre 36 le mois précédent, soit en hausse de 3,2 points. L'indicateur n'atteint pas donc les records enregistrés lors de la crise financière de 2008 (33,2 niveau le plus bas jamais publié pour le secteur manufacturier irlandais). Il demeure en ligne avec les PMI manufacturiers de la zone euro et du Royaume-Uni dont le score s’établit respectivement à 39,4 et à 40,7 pour le mois de mai 2020.
Selon les entreprises sondées, la demande, intérieure et extérieure, restait toujours très faible au mois de mai en raison des mesures strictes de confinement. Les entreprises continuent par ailleurs de déstocker massivement, leur production se maintenant pour le moment à des niveaux très bas. De même, les stocks d'intrants continuent de diminuer, les entreprises signalant des difficultés substantielles au sein des chaines d'approvisionnement. Sur une note positive, les entreprises du secteur manufacturier irlandais font preuve d'un léger optimisme au mois de mai (38% d'entre elles envisageant de la croissance dans les 12 mois à venir).
Le PMI des services rebondit légèrement au mois de mai 2020 après s'être effondré au mois d'avril, mais reste à un niveau faible dans les annales de l'indice. Il s'établit à 23,4, très loin de la barre des 50 signifiant une croissance du secteur, en hausse de 9,5 points par rapport au mois d'avril 2020 (13,9). Pour mémoire, au pire de la crise financière, le PMI des services irlandais s'était établi à 31,8 début 2009. Le PMI des services indique à première vue une reprise plus lente du secteur en Irlande, l'indicateur étant inférieur à ses homologues de la zone euro (30,5) et britannique (29). L'indicateur plus spécifique concernant le secteur du tourisme s'établit à 18,4 (après 5,2) pour le mois de mai. 61% des entreprises sondées pour la construction de l'indicateur ont rapporté une baisse de leurs activités (contre 78% en avril) ; 65% rapportent une faiblesse de la demande en partie en raison d'hésitations de la part de leurs clients. Une baisse des prix est à nouveau observée pour les intrants et les produits sortants. Sur une note positive, le degré de pessimisme des entreprises du secteur quant aux 12 prochains mois semble diminuer.
Chômage – Le taux de chômage en Irlande enregistre une hausse marginale (+0,2 pp) au mois de mai 2020. Il s’établit à 5,6% corrigé des variations saisonnières (csv), contre 5,4% en avril 2020. Le nombre de chômeurs (cvs) s’établissait à 139 200 en mai 2020, soit 5 400 de plus qu’en avril 2020 et 14 400 de plus qu’en mai 2019. Ce chiffre, calculé en application des normes européennes et internationales, ne reflète pas les nombreux bénéficiaires des allocations versées au titre des dispositifs spéciaux liés à la pandémie (voir chiffres du Live Register ci-dessous), ces personnes ne remplissant pas les critères arrêtés par l’Organisation internationale du travail. Le CSO a cependant évalué quel serait le taux de chômage si l’on intégrait l’ensemble des bénéficiaires des allocations spéciales : il serait alors au maximum de 26,1% pour le mois de mai 2020, contre 28,2% au mois d’avril 2020. Le taux de chômage des jeunes (mesure standard) se stabilise à 13,5% en mai 2020, après 12,6% en avril 2020. La mesure alternative tenant compte des bénéficiaires des indemnités spéciales dépeint une situation plus inquiétante, affichant un taux maximum de chômage des jeunes de 51,0% en mai 2020.
Le nombre des inscriptions au Live Register, équivalent irlandais de Pôle Emploi, a enregistré une augmentation entre avril et mai 2020 (+8 900), alors que les demandes supplémentaires liées à la pandémie enregistrent une baisse marginale : -58 943 pour le dispositif de chômage spécifique (Pandemic Unemployment Payment ou PUP) et - 581 pour le dispositif d’indemnisation du chômage partiel (Temporary Wage Subsidy Scheme ou TWSS). En prenant en compte les inscriptions liées au coronavirus, le nombre de demandeurs d’indemnités chômage s’établit à 1 140 579 individus, en baisse de -36 830 comparé au chiffre d'avril 2020. Au total, environ 1,1 million d’individus reçoivent donc des allocations via un des trois programmes gouvernementaux. Ces chiffres apparaissent plus optimistes que ceux communiqués à la même date par le ministère de l’emploi et de la protection sociale qui recensait 1,26 millions de travailleurs aidés et une croissance de 13 000 bénéficiaires supplémentaires du TWSS.
Immobilier – Selon les variations exprimées en glissement mensuel, les prix de l’immobilier à l’échelle nationale ont enregistré une hausse au mois de mars 2020, après une baisse marginale au mois de février 2020. A Dublin, les prix de l’immobilier à l’achat se stabilisent (+0,0% g.m) au mois de mars 2020, contre une augmentation le mois précédent (+0,1% g.m). Hors Dublin, les prix de l’immobilier à l’achat enregistrent une hausse après 4 mois consécutifs de baisse (+0,1% en mars 2020, contre -0,3% le mois précédent).
Le second graphique présente les variations en glissement annuel des prix immobiliers. Les prix de l’immobilier sur l’ensemble du territoire se stabilisent alors que les prix de l’immobilier à Dublin enregistrent une hausse après 7 mois consécutifs de baisse. La variation des prix de l’immobilier à Dublin s’établit à +0,6% en mars 2020 contre –0,1% en février 2020 et -0,5% en janvier 2020. En parallèle, la croissance des prix de l’immobilier hors Dublin continue de ralentir pour s’établir à +1,5% en mars 2020 contre +2,2% le mois précédent.
Selon Ballymore, principal promoteur immobilier en Irlande, le nombre de logements construits en 2020 devrait être fortement revu à la baisse au niveau national, passant de 28 000 envisagés avant la pandémie à seulement 15 000. Le directeur exécutif du groupe, Sean Mulryan, a cependant rappelé qu’il était à ce stade difficile de quantifier l’impact de la crise sur le secteur de la construction. Pour mémoire, l’Irlande a vu la construction de 21 241 nouveaux logements en 2019, contre 17 952 en 2018, soit une augmentation de +18,3 %, pour un besoin estimé à 35 000 par an.
Ventes de détail – Les ventes au détail ont chuté de -43,3% au mois d’avril 2020 (en glissement annuel, -35,4% en glissement mensuel), enregistrant ainsi la baisse la plus importante depuis janvier 2009 (chiffres cependant faussés par les ventes de voiture). Les ventes au détail hors automobile ont diminué de -24,8 % au mois d’avril en glissement annuel (-23,7 % en glissement mensuel). Seuls les détaillants spécialisés dans la vente de tabac, d’alcool et de produits d’alimentation (hors supermarchés) et les magasins non spécialisés (incluant les supermarchés) ont enregistré une hausse des ventes au détail, respectivement à +1,8% et +1,6% au mois d’avril 2020. Les détaillants de mobiliers et luminaires représentent les commerces les plus touchés, enregistrant une baisse de -84,1% des ventes. De même, les bars et les magasins de vêtements ont vu leurs ventes diminuer respectivement de -77,1% et de -73,6%.
Confiance des consommateurs – La confiance des consommateurs irlandais (indice créé et mis à jour par la banque KBC et le think-tank irlandais ESRI) rebondit significativement au mois de mai 2020 après s’être effondré le mois précédent. L’indice s’établit à 52,3 en mai 2020 contre 42,6 le mois précédent, soit une hausse de 9,7 points. Ce chiffre est bien inférieur au niveau de l’indice au mois de mai 2019, qui s’établissait alors à 89,9. La hausse de l’indice observée entre le mois d’avril et de mai correspond à la plus importante enregistrée depuis janvier 2015. Malgré ce rebond encourageant au mois de mai, la confiance des consommateurs reste à un niveau équivalent à celui enregistré au pire de la crise financière de 2008. Une question posée spécialement pour le sondage du mois de mai rapporte que 86% des consommateurs sondés anticipent la mise en place d’une politique d’austérité dans les années à venir. Selon l’économiste en chef de KBC Ireland, Austin Hughes, l’anticipation d’un retour à l’austérité par les consommateurs irlandais pourrait ralentir le retour de la croissance.
Selon un sondage réalisé par le cabinet de conseil EY (EY Future Consumer Index), environ 75% des consommateurs seraient mal à l'aise à l'idée de renouer avec des activités quotidiennes, telles que le cinéma (78%), la salle de sport (76%) ou encore le pub (74%). De même, 75% des personnes sondées se disent mal à l'aise à l'idée de reprendre les transports publics, et 70% de retourner dans un restaurant. Ces chiffres pourraient encourager les entreprises à renforcer leurs mesures sanitaires afin de rassurer leurs potentiels clients.
Salaires – Les salaires progressaient en Irlande avant la crise sanitaire, dans le secteur privé comme dans le secteur public. Le salaire hebdomadaire moyen s’établit à 791,71 € tout secteur confondu, en hausse de +3,63 %, au premier trimestre 2020 (au T4 2019, la croissance s’était établie à +4,30 % en g.a.). Le salaire horaire moyen a augmenté de +3,23 % en g.a, à 24,3 €. La croissance des salaires moyens hebdomadaires dans le secteur public s’établit à +3,46 % (en g.a.) au premier trimestre 2020, équivalente à la croissance de ces mêmes salaires dans le secteur privé (+3,41 % en g.a.). Le niveau des salaires moyens hebdomadaires reste cependant plus élevé dans le secteur public (998,17 €) que dans le secteur privé (729,95 €).
Compte courant – Les exportations irlandaises ont enregistré un nouveau record au mois de mars, s'établissant à 15,7 Mds€ (hausse de +4,3 Mds€ ou +38% en glissement mensuel). Ces chiffres s'expliquent notamment par la demande en hausse de produits pharmaceutiques et médicaux provoquée par la crise sanitaire. Les exportations de produits pharmaceutiques ont en effet augmenté de +60% (glissement mensuel) pour s'établir à 5,8Mds€.
Finances publiques
Exchequer – Les recettes totales cumulées collectées au mois de mai sont supérieures de +10,9% au montant cible post-Covid principalement en raison de l’impôt sur les sociétés (+945M€) et de la TVA (+495M€). Les recettes totales des cinq premiers mois de 2020 sont équivalentes (+0,0%, glissement annuel) à celles de 2019, principalement du fait d’une baisse de la TVA (-21,7%) et des droits d’accise (-22,5%) compensée par une hausse de l’impôt sur les sociétés (+91,8%), des frais de mutation (+17,0%) et de l’impôt sur le revenu (+4,8%), soulignant à la fois l’impact de la crise économique et la résilience de certains secteurs de l’économie irlandaise. Les recettes totales non cumulées du mois de mai 2020 enregistrent quant à elles une hausse de +1,3% (glissement annuel).
En glissement annuel, les recettes totales cumulées issues de l’impôt sur les sociétés (IS) sur les cinq premiers mois de l’année 2020 sont supérieures de +91,8 % aux recettes observées en 2019 à la même période. En isolant les résultats du mois d’avril, les chiffres du ministère des Finances irlandais font état d’une augmentation de +91,4 % des recettes d’IS (glissement annuel). Cette performance des recettes de l’IS s’explique par 1/ les modalités de collecte de l’impôt dont une partie se fonde sur l’activité économique des entreprises en 2019 (dernier mois de collecte de l’IS pour l’année 2019) et 2/ la résilience du secteur pharmaceutique face à la crise économique. Sachant que la collecte d’IS a enregistré une progression exceptionnelle en 2018 (+27%) confirmée en 2019 (+4,9%), l’erreur de prévision de +945M€ pourrait indiquer une dynamique similaire en 2020. Le mois de juin sera plus informatif à ce titre.
Les dépenses du gouvernement central sur les cinq premiers mois de l’année 2020 ont dépassé les plafonds inscrits dans le Budget 2020 en raison des mesures prises par le gouvernement en réaction à la crise sanitaire. Les dépenses courantes se sont établies à 29,4 Mds€, soit +17,2% au-dessus des limites budgétaires et en augmentation de +21,6% (en glissement annuel). Les dépenses du ministère de l'emploi et de la protection sociale ont notamment augmenté de +38,6%.
Le gouvernement central enregistre donc pour l'instant un déficit budgétaire de -6 Mds€ (contre -0,06 Md€ l'an dernier à la même époque), en ligne avec les prévisions du ministère des finances pour l’année 2020 (déficit budgétaire de -23 Mds€ ou -7,4% du PIB).
Recettes fiscales et crise sanitaire – Selon une récente étude publiée par le think-tank irlandais ESRI, la chute de la consommation des ménages pourrait provoquer une baisse des recettes fiscales (impôts indirects) de -6,7 Mds€ dans le pire des scénarios (seconde vague et re-confinement strict). Dans le cas d'un scénario moins sévère avec la mise en place des pratiques de distanciation sociale, l'étude prévoit une diminution de -20,5 % des recettes fiscales indirectes (soit -4,3 Mds€). Enfin, si un vaccin est trouvé, les recettes fiscales indirectes devraient enregistrer une baisse de -18,7%, soit -3,9 Mds€.
Obligations souveraines – La NTMA, homologue irlandais de l’AFT, a confirmé la levée de 6Mds€ via la syndication d'une obligation à 10 ans au taux de +0,285%, après avoir annulé une adjudication prévue le 11 juin (le groupe derrière la syndication serait composé de Barclays, BNP Paribas, Danske Bank, Davy, NatWest Markets et Nomura). La NTMA a ainsi levé 18,5Mds€ depuis le début de l'année (via des adjudications et des syndications) et se rapproche de son intervalle cible pour 2020 (20-24Mds€). Selon les analystes du courtier irlandais Davy Research, les résultats en demie teinte des finances publiques pour le mois de mai 2020 semblent en ligne avec les prévisions centrales du ministère des finances irlandais (soit -23Mds€ de déficit budgétaire, -7% du PIB) et non avec les prévisions les plus pessimistes récemment considérées comme plus probables par le gouvernement (-30Mds€, -9,5% du PIB). La NTMA ne devrait pas avoir à réévaluer à nouveau à la hausse son objectif de financement pour l'année 2020. Dans le cadre de son programme d’urgence d’achat des actifs (Pandemic Emergency Purchase Programme - PEPP), la BCE a acquis 3Mds€ d’obligations souveraines irlandaises.
Evaluation de la situation budgétaire – L’Ifac (Irish Fiscal Advisory Council), homologue irlandais du Haut Conseil des Finances Publiques, a publié le 27 mai son rapport semestriel évaluant la position des finances publiques irlandaises et exposant ses recommandations de lutte contre la crise économique. Selon trois scénarios plus ou moins sévères, l’organisme anticipe un redressement de l’économie irlandaise à son niveau d’avant crise dans deux ans pour le scénario le plus optimiste et dans trois ans et demi pour le plus pessimiste. Les recommandations de l’Ifac s’articulent autour de 3 phases : une réponse directe et forte à la crise sanitaire qui doit s’inscrire dans la lignée des mesures gouvernementales d’ores et déjà mises en place, un plan de relance ambitieux afin de stimuler la croissance et d’user des capacités de production non utilisées au sein de l’économie, et enfin un retour progressif à une prudence budgétaire avec pour objectif la stabilisation de la dette publique. L’organisme estime qu’il n’est pas nécessaire de mettre en œuvre des politiques d’austérité budgétaire. Lors d'un échange précédent la publication du rapport, Sebastian Barnes, directeur suppléant de l'Ifac, a tenu à rappeler que le gouvernement n'avait pas su utiliser les recettes exceptionnelles et non soutenables à long-terme de l'impôt sur les sociétés afin de matérialiser plus tôt un excédent budgétaire. Avant la crise sanitaire, l'Ifac avertissait régulièrement le gouvernement sur l'instabilité des recettes de l'IS, estimant qu'environ 6 Mds€ de ces recettes ne seraient pas pérennes sur le long terme car reposant sur un très petit nombre de multinationales. Le gouvernement aurait ainsi pu matérialiser un excédent budgétaire plus tôt ou allouer des ressources plus élevées à son fonds contra-cyclique, le Rainy Day Fund (doté seulement l'an dernier des ressources initiales à hauteur de 1,5Mds€).
Secteur financier et assurances
Prêts hypothécaires – L’encours total des prêts accordés s’effondre au mois d’avril 2020. Selon les données publiées par la fédération irlandaise des banques et des paiements (Banking & Payments Federation Ireland, BPFI), le montant total des prêts hypothécaires accordés est en baisse de -43,6 % en avril 2020 (en glissement annuel). L’encours total des prêts hypothécaires accordés en avril 2020 s’établit à 525 M€, dont 256 M € pour des primo-accédant. L’encours total des prêts accordés aux primo-accédant en avril 2020 est en diminution de -48,0% (glissement annuel).
Selon d’autres données publiées par la BPFI, le nombre de demandes d’accès au moratoire de 6 mois sur le paiement des intérêts dans le cadre de prêts contractés auprès des institutions bancaires irlandaises s’établirait à 78 000 à la fin du mois de mai, seulement pour les prêts hypothécaires (soit une hausse de +20% en moins de un mois). Au total, 140 000 demandes de suspension de paiements ont été enregistrées.
Fin du moratoire sur les intérêts – Les principales banques irlandaises (Bank of Ireland, AIB et Permanent TSB) ont entamé une procédure d'approche de leurs clients ayant bénéficié du moratoire de 6 mois les exemptant de mensualités. La démarche adoptée par les banques consiste à identifier les clients qui se trouveraient dans une situation critique et ne pourraient pas reprendre normalement le versement des mensualités à la fin des 6 mois. Ces clients seraient encouragés à trouver des solutions de long-terme et à se rapprocher activement de leur banque. Cette approche permettrait aux banques d'éviter une augmentation abrupte et non anticipée des arriérés en septembre, date de fin du moratoire.
Notation des banques irlandaises – L'agence de notation DBRS Morningstar a dégradé sa notation des trois principales banques irlandaises (Bank of Ireland, AIB et Permanent TSB), passant ainsi à "négative" en raison des inquiétudes autour de la résurgence des prêts non performants dans le bilan des banques ainsi que d'une baisse de la demande de crédit déclenchée par la pandémie. Selon DBRS, les mesures de confinement et la fermeture de l'économie font peser des risques supplémentaires sur le modèle opérationnel des banques irlandaises ainsi que leur rentabilité et la qualité de leurs actifs. L'agence de notation a cependant souligné que les banques irlandaises étaient entrées dans la crise dans une position plus forte que lors de la crise précédente.
Epargne – Selon les derniers chiffres publiés par la Banque Centrale d'Irlande (CBI), l'épargne des ménages irlandais a enregistré une hausse record au mois d'avril 2020, à +3 Mds€ soit l'augmentation mensuelle la plus forte jamais observée depuis la création de la base de données par la CBI en 2003. Aussi fortement touchés par la pandémie, l'encours des prêts à la consommation a diminué de -277 M€ en avril, soit la baisse la plus importante depuis 2014, alors que l'encours des prêts hypothécaires chutait de -73 M€. Selon l'économiste en chef du cabinet de conseil EY, Neil Gibson, les dépôts des ménages irlandais devraient connaître une hausse de 8 à 10 Mds€ d'ici la fin de l'année, reflétant 1/ les contraintes en matière de consommation mais aussi 2/ l'efficacité des mesures gouvernementales dans la préservation des salaires.
Déontologie financière et crise sanitaire – Derville Rowland, directrice du département de déontologie financière à la Banque Centrale d'Irlande (CBI), a rappelé vendredi 5 juin que les institutions financières créditrices devraient adapter leurs offres aux clients toujours en difficulté à la fin du moratoire de 6 mois sur les paiements des intérêts. Elle a en outre souligné que les banques avaient l'obligation de satisfaire toutes les exigences en matière de protection du consommateur dans le cadre du moratoire. La CBI a demandé aux institutions financières de laisser la possibilité à leurs clients de s'acquitter de leur dette dans la période établie pré-Covid ou en allongeant cette période de la durée du moratoire, et ce peu importe le type de prêts.
Entreprises
Impact de la crise sur les détaillants irlandais – Selon le sondage réalisé par le lobby Retail Excellence comprenant les réponses de 360 gérants de 4 500 magasins (hors supermarchés), le chiffre d'affaire en magasin des détaillants irlandais devrait diminuer de -65% en moyenne en juin. Certaines branches du secteur, comme les cinémas, pourraient être totalement ruinées. En cause, les restrictions imposées par les mesures de distanciation sociale ainsi que le comportement des consommateurs modifié par la peur d'une contamination. Les gérants sondés envisagent une baisse de -25% de leur chiffre d'affaire pour la période de Noël, soit novembre et décembre. Si la plupart des entreprises devraient enregistrer une hausse de leurs ventes en ligne, ces dernières ne devraient pas permettre de compenser les pertes liées à la baisse des ventes en magasin. Selon David Fitzsimons, directeur exécutif de Retail Excellence, la stratégie de réouverture de l'économie mise en place par le gouvernement devrait être adaptée afin de limiter les pertes pour le secteur de la vente de détail.
Chiffre du mois
0,36
Il s’agit de la part (%) des personnes employées par le transport aérien dans l’emploi total en Irlande, selon l’institut de la statistique européen (Eurostat). Elle se situe ainsi parmi les pays de l’Union Européenne ayant la plus forte part de main d’œuvre travaillant pour le secteur du transport aérien après : le Luxembourg (1,00%), Malte (0,45%), les Pays-Bas (0,37%) et le Portugal (0,36%). La part des employés du transport aérien dans l’emploi total s’établit à 0,34% en France et à 0,21% pour l’Union Européenne (27) dans son ensemble. Les pays de l’Europe de l’Est (Pologne, Roumanie et Bulgarie) apparaissent comme ayant la part la plus faible des employés au sein du secteur du transport aérien ; les données ne sont cependant pas fiables concernant ces pays, selon Eurostat.
Evolution des indicateurs macroéconomiques
Tableau mensuel
Tableau annuel