Analyses & Studies
Eire Eco - Avril 2020
Vous trouverez ci-dessous le point sur la situation économique irlandaise du mois d'avril 2020.
Macroéconomie
Estimations de croissance annuelle réelle du PIB en réaction à la crise sanitaire – La crise économique résultant de la pandémie de coronavirus se traduira par l’entrée en récession de l’économie irlandaise en 2020. Selon les sources et les analyses (Cf. ci-après), cette récession pourrait être comprise entre -1,6% et -13,1%. Le FMI, dans ses nouvelles prévisions de croissance mondiale publiée le 14 avril, estime quant à lui que l’économie irlandaise se contracterait de -6,8%.
1/ ESRI
Selon le dernier bulletin trimestriel publié par l’ESRI (Economic and Social Research Institute, think-tank irlandais), la crise économique et sanitaire liée au Covid-19 provoquerait une entrée en récession de l’économie irlandaise. Se fondant sur un scénario de 12 semaines de restrictions sanitaires (hypothèse de budgétisation des mesures par le gouvernement irlandais), l’institut estime que le PIB du pays se contracterait de –7,1% en 2020 (contre une prévision précédente de +4% de croissance réelle du PIB pour 2020 avant l’éclatement de la crise sanitaire). L’analyse de l’ESRI se concentre sur le choc de demande résultant des mesures de confinement et impactant le comportement de consommation des ménages. Il prévoit que l’impact économique se concentrera au second trimestre 2020, précédant un retour à la normale aux troisième et quatrième trimestres 2020.
L’institut estime que la consommation hebdomadaire des ménages serait inférieure de -25% à celle observée en temps normal pour une semaine dite "de pandémie", mais qu’elle connaîtrait un rebond à la fin des mesures de restrictions, s’établissant à +9% de plus qu’une consommation hebdomadaire dite « normale » (avant la crise sanitaire). Au total, la consommation des ménages pourrait connaitre une contraction de -4% à la fin des 12 semaines de retour à la normale.
Les exportations irlandaises enregistreraient quant à elles une baisse de -5% en 2020, de même que les importations qui diminueraient de -3,6%. Selon l’ESRI, les secteurs les plus touchés par la crise seraient le secteur du tourisme, le secteur des services et une partie du secteur manufacturier (machinerie et équipements) alors que le secteur pharmaceutique pourrait bénéficier de la crise. L’institut estime par ailleurs que l’investissement total se contracterait de -8,1% en 2020, avec notamment une baisse de -12,5% des investissements en machinerie et équipements et en recherche et développement.
Concernant le marché du travail, le taux de chômage s’établirait à 18% au second trimestre 2020, contre 4,8% au premier trimestre. Un rebond étant attendu à partir du troisième trimestre 2020, l’institut prévoit une baisse du taux de chômage au T3 passant de 18% à 16,5% puis s’établissant enfin à 10,7% au quatrième trimestre. Les différents plans d’aide mis en place par le gouvernement devraient permettre de réduire l’impact économique de la crise sanitaire, mais l’ESRI reste cependant prudent quant à un retour total à la normale du marché du travail dès la levée des mesures de restriction.
Enfin, les finances publiques devraient connaitre une dégradation substantielle, en raison 1/ d’une augmentation des dépenses (mesures de soutien à l’économie et au secteur de la santé) et 2/ d’une chute des recettes fiscales. L’ESRI estime que les recettes de l’impôt sur le revenu pourraient diminuer de -5%, de même que celles de la TVA qui enregistreraient une baisse de -8%. Au total, les recettes fiscales pourraient connaître une réduction de -7%. Ainsi, cette chute, combinée à l’augmentation des dépenses (stabilisateurs automatiques et dépenses discrétionnaires), provoquerait la matérialisation d’un déficit budgétaire estimé à -4,3% du PIB en 2020 (contre un excédent budgétaire de +0,7% du PIB et un déficit budgétaire de –0,6% dans le cas d’un hard Brexit en 2020 – estimations du ministère des finances irlandais). L’ESRI précise que le déficit budgétaire pourrait se creuser d’autant plus que le secteur de la santé aurait besoin de soutien et que l’économie ne connaîtrait qu’un rebond minime au troisième trimestre 2020, nécessitant un apport gouvernemental supplémentaire.
2/ Banque Centrale d’Irlande
Selon le dernier rapport trimestriel de la Banque Centrale d’ Irlande (CBI), l'économie irlandaise pourrait connaître une contraction réelle du PIB de -8,3% en 2020. Le rapport fait cependant preuve d'une extrême prudence, rappelant que l'incertitude de la crise que nous traversons ne permet pas la publication d'indicateurs de croissance conventionnels. Tout comme les estimations de l'ESRI, les prévisions de la CBI se fondent sur une durée des mesures strictes de confinement de 3 mois et une amélioration nationale et mondiale à partir du second semestre 2020. Au delà de son approche classique, la CBI a établi ses prévisions selon deux approches complémentaires : 1/ dans un premier temps, une analyse du choc initial (environ -25% de production au T2 2020) et 2/ dans un second temps, la modélisation de l'impact économique global suivant les modèles de la CBI, qui permet une analyse prenant en compte l’ensemble des différents canaux de transmission et permettant la comparaison de plusieurs scénarios.
Selon les hypothèses présentées ci-dessus, le taux de chômage pourrait atteindre 25% dans les prochains mois pour diminuer par la suite et se stabiliser autour de 10% en fin d'année (pour rappel, le taux de chômage au mois de février 2020 était de 4,7%). La CBI prévoit que le niveau d'emploi enregistrerait une diminution moyenne de -11% en 2020. La consommation des ménages enregistrerait une chute de -9% (glissement annuel) en 2020. De même les investissements nationaux seraient négativement affectés (-24,3%) laissant pour seul stimulus la consommation des administrations publiques. Les estimations de la CBI établissent une chute de -8,9% de la demande intérieure en 2020.
Côté exportations, la CBI prévoit un impact négatif pour les entreprises dites indigènes, notamment en raison d'une baisse substantielle de la demande extérieure. Elle note cependant, tout comme l'ESRI, que le secteur pharmaceutique pourrait contrebalancer cet impact, car potentiellement moins affecté par la chute de la demande.
En matière de finances publiques, la CBI prévoit la matérialisation d'un déficit budgétaire de -6% du PIB (soit -10% du GNI* - revenu national brut modifié mesure alternative corrigée de l'activité des multinationales) contre un excédent budgétaire de +0,4% du PIB (+0,7% du GNI*) prévu initialement. Ainsi, la dette publique serait réévaluée à la hausse pour l'année 2020, passant de 58% du PIB envisagé initialement à 66% du PIB (ou 97% du GNI* à 112% du GNI*). La CBI prévoit une baisse des recettes fiscales totales de -11,5% en 2020 (comparée à une hausse observée de +6% en 2019) et une augmentation des dépenses gouvernementales de +13% (comparée à une hausse de +4,5% en 2019).
3/ Davy Research
Les analystes de Davy Research (courtier irlandais) ont décidé de compléter leurs prévisions de croissance réelle du PIB pour 2020, avec deux scénarios. Le scénario optimiste prévoit une contraction du PIB de -6% au second trimestre 2020.Grâce à un rebond à partir du troisième trimestre et à l’activité des multinationales, la croissance du PIB s'établirait à +1,2% en 2020. Le scénario pessimiste prévoit une contraction du PIB de -15% au second trimestre 2020 pour une contraction annuelle de -3,7% du PIB en 2020 (en raison des reports d'investissement et de consommation respectivement des entreprises et ménages). Le courtier irlandais semble rester optimiste quant à l'impact de la crise sanitaire sur l'économie irlandaise. Pour rappel, le scénario de base était une croissance réelle de +5,5% du PIB pour 2020. Les économistes de Davy ont souligné le fait que les deux scénarios décrits précédemment venaient compléter le champ des possibles pour le futur à moyen-terme de l’économie irlandaise, en raison notamment du fort degré d’incertitude.
4/ EY
L'antenne irlandaise d'EY a également publié des estimations de croissance. Selon un premier scénario (perturbations jusqu'à fin mai puis retour à la normale), l'économie irlandaise pourrait enregistrer une contraction de -7,3% en 2020 (contre une prévision de +3,4% précédemment) avec la destruction de 177 000 emplois. Dans le cas où les perturbations se prolongeraient jusqu'à fin août, EY prévoit une contraction de -13,1% (perte de 318 000 emplois).
5/ Moody’s
L'agence de notation Moody's s'aligne avec les constatations de l'OCDE (voir ci-dessous) qui considère que l'économie irlandaise devrait se montrer plus résiliente que les autres face à la crise sanitaire que nous traversons (en raison encore de la structure de l'économie irlandaise, tournée vers les multinationales et le secteur pharmaceutique). Elle prévoit une contraction du PIB de -1,6% pour 2020 (contre une croissance réelle du PIB de +3,3% envisagée précédemment). L'agence n'a pas annoncé une dégradation de la notation de la dette irlandaise mais avertit que l'Irlande pourrait se retrouver fortement affectée par une récession au Royaume-Uni ainsi qu'aux Etats-Unis.
Impact initial de la crise sanitaire – Selon une étude publiée par l’OCDE le 30 mars, l’impact initial sur la production des mesures sanitaires de confinement prises en réaction à la propagation du virus serait plus faible, en comparaison avec les autres pays, pour l’économie irlandaise en raison de la faible part des secteurs du tourisme et de la vente de détails dans l’activité économique. L’organisme international estime à -15% l’impact initial sur la production (pourcentage du PIB à prix constants) mais ne fournit pour le moment aucune prévision concernant l’impact de la crise sanitaire et économique sur le PIB annuel de ses pays membres. Il estime la perte globale (c'est-à-dire non spécifique à l’Irlande) à -2% du PIB pour chaque mois de confinement et à entre -4% et -6% pour chaque trimestre entier.
Activité économique – L’activité dans le secteur manufacturier irlandais se contracte au mois de mars 2020 pour la première fois depuis décembre 2019 mais enregistre sa contraction la plus forte depuis août 2009. L’indice PMI manufacturier irlandais enregistre sa plus forte chute mensuelle depuis la création de l’indicateur en mai 1998 (-6,1 points) et s’établit à 45,1 en mars 2020 contre 51,2 le mois précédent. Le PMI irlandais demeure supérieur au PMI manufacturier de la zone euro dont le score s’établit à 44,5 pour le mois de mars 2020, mais reste inférieur à celui du Royaume-Uni (47,8).
Selon les entreprises sondées, leur activité s’est rapidement contractée au mois de mars en raison principalement d’une baisse substantielle du nombre de nouvelles commandes liée à la propagation du coronavirus et son impact sur les chaines de production. De même, le solde relatif à la production passée s’effondre (-8,9 points), en ligne avec la dynamique observée à l’échelle de la zone euro. Au vu des perspectives économiques, la confiance des entreprises du secteur manufacturier a atteint son niveau le plus en mars 2020 depuis juin 2012, certaines entreprises estimant que les mesures gouvernementales prises mettront du temps à relancer l’économie.
Le PMI des services enregistre la baisse la plus importante jamais observée depuis la création de l’indicateur et s’établit à 32,5 au mois de mars 2020, soit 27,4 points de moins que le mois précédent (59,9 en février 2020) et son niveau le plus faible depuis avril 2009. Le rapport mentionne des inquiétudes traversant tous les sous secteurs des services, touchant même le secteur de l’information et de la communication considéré jusque-là comme plus protégé car principalement dominé par les multinationales étrangères. Les entreprises sondées ont notamment rapporté un décrochage des commandes sur le marché national ainsi qu’à l’exportation. Ainsi, la confiance des entreprises du secteur des services quant au développement de leur activité sur les douze prochains mois s’établit à son niveau le plus bas depuis la création de l’indicateur en mai 2000, la progression rapide de la pandémie en Europe faisant surgir les craintes d’une récession.
Le PMI du secteur de la construction enregistre de même une substantielle diminution au mois de mars (la plus forte chute enregistrée depuis la création de l'indicateur). Il atteint son niveau le plus bas depuis 11 ans, s'établissant à 28,9 en mars 2020 contre 50,6 en février 2020 en raison de l'expansion de la pandémie et des mesures sanitaires de précaution prises par le gouvernement.
Chômage – Le taux de chômage en Irlande augmente au mois de mars 2020. Il s’établit à 5,4% corrigé des variations saisonnières (csv), contre 4,8% en février 2020. Le nombre de chômeurs (cvs) s’établissait à 136 600 en mars 2020, soit 17 000 de plus qu’en février 2020 et 16 300 de plus qu’en mars 2019. Ce chiffre, calculé en application des normes européennes et internationales, ne reflète pas les plus de 300 000 bénéficiaires des allocations versées au titre des dispositifs spéciaux liés à la pandémie (voir chiffres du Live Register ci-dessous). En effet, ces personnes ne remplissent pas les critères arrêtés par l’Organisation internationale du travail. Cependant, soucieux de rendre compte au mieux de la situation irlandaise, le CSO a évalué quel serait le taux de chômage si l’on intégrait l’ensemble des bénéficiaires des allocations Covid au sein des chômeurs : il serait alors au maximum de 16,5% pour le mois de mars 2020. Le taux de chômage des jeunes s’établit à 13,2% en mars 2020, contre 11,4% en février 2020 – chiffres hors dispositif Covid.
Les chiffres du Live Register (nombre de personnes inscrites à l'équivalent de Pôle Emploi afin de percevoir des indemnités chômage) témoignent d’une augmentation substantielle au mois de mars 2020, en lien avec la pandémie. Le CSO a pris le parti de séparer les inscrits dits « classiques » des inscrits liés à la pandémie. Le nombre des inscriptions au Live Register a enregistré une augmentation entre février et mars 2020 (+24 400), à laquelle s'ajoutent les demandes supplémentaires liées à la pandémie (+283 037 et +25 104). Ainsi, en prenant en compte les inscriptions liées au coronavirus, le nombre de demandeurs d’indemnités chômage s’établit à 513 350 individus, soit une hausse de +330 550 comparé au chiffre de février 2020.
Selon le Parliamentary Budget Office (PBO, organisme de surveillance budgétaire interne au parlement irlandais), le nombre d’employés impactés par les mesures sanitaires pourrait s’élever à 492 000 (soit 1 employés sur 5 de la main d’œuvre totale irlandaise).
Immobilier – Selon les variations exprimées en glissement mensuel, les prix de l’immobilier à l’échelle nationale ont enregistré une augmentation au mois de janvier 2020, pour la première fois depuis octobre 2019. A Dublin, les prix de l’immobilier à l’achat sont en hausse (+1,6% g.m) au mois de janvier 2020, contre une baisse le mois précédent (-1,5 % g.m). Hors Dublin, les prix de l’immobilier à l’achat se stabilisent, après deux mois consécutif de baisse (+0,0% en janvier 2020, contre -0,6% le mois précédent).
Le second graphique présente les variations en glissement annuel des prix immobiliers. La croissance des prix de l’immobilier sur l’ensemble du territoire hors Dublin s’accentue alors que les prix de l’immobilier à Dublin enregistrent une hausse pour la première fois depuis juillet 2019. La variation des prix de l’immobilier à Dublin s’établit à +0,5 % en janvier 2020 contre –1,6% en décembre 2019 et –0,9% en novembre 2019 (g.a.). En parallèle, la croissance des prix de l’immobilier hors Dublin s’établit à +3,1 % en janvier 2020 contre +2,5 % le mois précédent (g.a.).
Selon le dernier rapport trimestriel conduit par Myhome.ie, le marché de l’immobilier à l’achat irlandais semblait montrer des signes encourageants au premier trimestre 2020. En effet, la vente de 12 170 logements avaient été actée lors du premier trimestre, soit une hausse de +10,3% (glissement annuel). Cependant, le nombre de logements mis en vente sur le site principal irlandais (Myhome) a diminué de -10% en mars 2020 (glissement annuel), avec la plus forte baisse enregistrée à Dublin (-21%, seulement 4 141 logements mis en vente). La crise sanitaire fait naître de nouvelles craintes sur le marché immobilier irlandais : certains acteurs envisagent à court terme l’apparition d’une relative illiquidité des biens immobiliers à l’achat ainsi qu’à la location.
Pour rappel, Leo Varadkar a annoncé, dès le 23 mars, le gel des loyers et l’interdiction des expulsions locatives ainsi que la suppression de la distinction entre les systèmes de santé privé et public.
Confiance des consommateurs – La confiance des consommateurs irlandais (indice créé et mis à jour par la banque KBC et le think-tank irlandais ESRI) enregistre une forte baisse après une diminution marginale observée le mois précédent. L’indice s’établit à 77,3 en mars 2020 contre 85,2 le mois précédent, soit une chute de 7,9 points. Ce chiffre est inférieur au niveau de l’indice au mois de mars 2019, qui s’établissait alors à 93,1. La chute de l’indice entre les mois de février et de mars est significative mais reste pour le moment inférieure à certaines baisses observées depuis la création de l’indice, notamment celles liées au Brexit. Elle reflète principalement les craintes des consommateurs liées à la propagation du coronavirus. Le rapport mentionne que la baisse de confiance pourrait à ce stade être sous estimée, le sondage ayant été conduit entre le 3 et 10 mars, avant que le gouvernement ne commence à prendre des mesures sanitaires strictes (comme la fermeture des écoles et universités) et que la nervosité concernant la propagation du virus n’était à ce stade qu’à ses débuts.
Finances publiques
Exchequer – Les recettes totales sur les trois premiers mois de l’année 2020 ont été estimées à environ -5,7% (-788M€) en dessous du montant cible mensuel principalement en raison de la TVA (- 986M€) et des droits d'accises (-179M€). Elles sont supérieures de +1,1 % (glissement annuel) à celles de 2019, principalement du fait de l’impôt sur les sociétés (+66,1%), l’impôt sur le revenu (+13,5 %) et des frais de mutation (+24,1 %). Contrairement au mois de février, les recettes des deux premiers mois 2020 étaient supérieures de +13,2% (glissement annuel) à celles de 2019 pour la même période. Les recettes cumulées de la TVA sont en chute de -17% en glissement annuel, de même que les droits de douane enregistrent une chute de -13,3%. Lorsque l'on s'attarde sur les recettes non cumulées (strictement du mois de mars), on observe une baisse de -48,2% pour la TVA et -22,6% pour les droits d'accises. Selon John McCarthy, économiste en chef du ministère des finances irlandais, la baisse observée des recettes de TVA serait expliquée pour l’instant par la tolérance des autorités fiscales mise en place en mars 2020 et non pas une baisse de la consommation.
Les recettes générées par l’impôt sur les sociétés (IS) au mois de mars ont dépassé de +15,5 % le montant cible mensuel (non cumulé). En glissement annuel, les recettes totales cumulées issues de l’IS sont supérieures de +66% aux recettes observées en 2019 à la même période. En isolant les résultats du mois de mars, les chiffres du ministère des Finances irlandais font état d’une diminution de -18,8 % des recettes d’IS (glissement annuel). Comme l'économiste irlandais, Seamus Coffey, l'a fait remarquer, les recettes d'IS pourraient permettre à l'Irlande de s'épargner un déficit trop important, les multinationales implantées en Irlande risquant d’être a priori moins affectées par la crise sanitaire.
Les dépenses du gouvernement central sur les trois premiers mois de l’année 2020 ont dépassé les plafonds inscrits dans le Budget 2020. Les dépenses courantes se sont établies à 15,8 Mds€, soit +7,1 % au-dessus des limites budgétaires et en augmentation de +11,8 % (glissement annuel). Au mois de février, les dépenses cumulées sur les deux premiers mois de l'année étaient en augmentation de +2,5% et se situaient à +1,1% au dessus des limites budgétaires.
Mesures budgétaires en réponse à la crise sanitaire – Le gouvernement irlandais a pris, dès le 9 mars, une série de mesures de soutien à l’économie, complétées le 24 mars et le 8 avril, dont le total évalué s’établit à 7,3Mds€ (soit plus de 2% du PIB). Les différentes mesures comprennent :
- 9 mars (3Mds€) : 2,4 Mds€ de mesures pour les arrêts maladie, indemnités maladie et autres indemnités – trois mesures sont mises en avant : (1) suppression de la période de carence pour bénéficier des indemnités maladie, (2) augmentation du montant des indemnités maladie (305 €/semaine contre 203 € auparavant) et (3) adaptation des critères ouvrant droit au bénéfice des indemnités maladie (Illness Benefit) ; 200 M€ de soutien aux PMEs (liquidité) qui garantissent et/ou abondent des prêts aux entreprises, en partie non-garantis, sur le modèle retenu dans le cadre du Brexit. D’autres mécanismes sont mis en place via les agences publiques (Enterprise Ireland, équivalent irlandais de Business France) ; et 435 M€ de financements supplémentaires pour le HSE (Health Service Executive, agence publique d’organisation et de gestion des soins hospitaliers) – ces fonds seront utilisés afin d’optimiser l’espace des hôpitaux et des unités de soins intensifs, améliorer le diagnostic, augmenter le personnel disponible et améliorer les capacités des urgences/services ambulanciers.
- 24 mars (3,7Mds€) : mesures se concentrant sur le revenu des ménages avec (1) le subventionnement des entreprises en vue du maintien des salaires pour éviter une rupture du contrat de travail (qui pourrait se comparer aux mesures de chômage technique existant en France) avec une aide correspondant à 70 % du salaire net (85% pour les salaires <24400€/an) ; (2) une hausse des indemnités chômage et maladie à hauteur de 350€ / semaine (contre 203€ / semaine précédemment) pour une durée portée à 12 semaines, contre 6 précédemment. Le coût des mesures est évalué sur une période de 12 semaines, soit jusqu’à l’été. Des aménagements ou des moratoires sont mis en place sur le paiement des mensualités des emprunts, des loyers ainsi que sur celui des services (gaz et électricité).
- 8 avril : renforcement des dispositifs existants (+450 M€ pour soutenir le fonds de roulement et la liquidité dans les entreprises) et création de nouveaux programmes d’aide, dont des prêts à long terme et un fonds doté de 180M€ versés sous forme d’avance remboursable. Parmi les nouvelles mesures figurent également un programme d’aide aux détaillants qui souhaiteraient se lancer dans la vente en ligne pour compenser la fermeture de leur boutique.
Déficit budgétaire – Le déficit budgétaire pourrait être plus important que celui envisagé en cas de sortie désordonnée du Royaume-Uni. Le Parliamentary Budget Office (PBO), organisme parlementaire de surveillance budgétaire, a publié un document concis d'analyse des mesures de soutien annoncées par le Taoiseach le 9 mars. L'organisme estime qu'en raison d'une perte possiblement conséquente des recettes fiscales, le déficit budgétaire en 2020 pourrait se creuser au-delà des -0,6% du PIB (-2,02Mds€) envisagés dans le cas d'une sortie désordonnée. A recettes égales et suivant les mesures annoncées, le déficit s'établirait à -440M€. Mais le ralentissement substantiel que connaît l'activité économique irlandaise se répercutera en outre dans les recettes collectées par l'autorité fiscale : baisse de l'impôt sur le revenu, baisse de la TVA, mais aussi baisse de l'impôt sur les sociétés, le PBO prévoyant un impact de la crise sur l'activité des multinationales localisées en Irlande, d’où un risque de déficit plus important encore. Ses prévisions sont corroborées par celles de l’ESRI (voir plus haut).
Rendements souverains – Le 1er avril, la NTMA (homologue irlandais de l'AFT) a annoncé son calendrier pour le deuxième trimestre 2020, dans le contexte de la crise sanitaire. Avril verra l'émission d'une nouvelle obligation (syndication) suivie par des adjudications en mai (14) et en juin (11). La NTMA estime que l'Irlande reste en bonne position pour se financer via l'emprunt. En effet, le rendement souverain à 10 ans demeure attractif et s'établit à 0,28% au 7 avril. Le taux souverain a cependant enregistré une hausse de 25 points de base en une semaine - il s'établissait à 0,031% le 31 mars. La NTMA a réalisé l’opération par syndication susmentionnée le 7 avril, émettant une obligation souveraine à maturité 7 ans (15 mai 2027, dénomination en euros) et permettant ainsi la levée de 6 Mds€. Le groupement des banques ayant permis la syndication est composé de: BNP Paribas, BofA Securities, Cantor Fitzgerald Ireland, Danske Bank, Goldman Sachs International Bank et JP Morgan. La NTMA avait précédemment réalisé l'émission d’une obligation souveraine de 1 Md€ à échéance 2029 pour un taux fixe historiquement bas de -0,15% le jeudi 12 mars.
Eurobonds ou « coronabonds » – L'Irlande s'est jointe à huit autres pays de la zone euro (Belgique, France, Grèce, Espagne, Italie, Luxembourg, Portugal, Slovénie) dans la publication d'une lettre ouverte appelant à l'utilisation des instruments de dette commune dans la lutte contre la pandémie de coronavirus. L'émission d'une telle obligation devrait se faire sur la base de recettes fiscales communes (dans l'objectif d'un remboursement futur) et via une institution possédant les capacités pour émettre de la dette commune.
Secteur financier
Décisions des banques et de la Banque Centrale d’Irlande en réaction à la crise sanitaire – Bank of Ireland (BoI) a annoncé la fermeture de 101 de ses agences, soit 40% du total, et prévoit le redéploiement de ses agents dans d'autres structures ou vers des activités nécessitant actuellement plus de main d'œuvre. Tous les distributeurs resteront en activité et chaque agence encore ouverte accueillera les demandes urgentes des personnes âgées de plus de 65 ans entre 10h et 11h.
Le ministre des finances, Pascal Donohoe, a rencontré le 18 mars les membres de la fédération bancaire irlandaise (Banking and Payments Federation Ireland, BPFI) afin d’obtenir des banques et de la CBI des mesures destinées à soutenir les entreprises et les ménages en difficulté. A la suite de cet entretien, le ministre a :
1/ annoncé que les banques irlandaises s'engageaient à accorder des flexibilités aux clients ayant contracté un prêt et subissant l'impact négatif du coronavirus (arrêt temporaire des mensualités dont la durée sera fonction de la banque, flexibilités aussi accessibles aux propriétaires ayant contracté un prêt "pour achat et mise à la location (buy to let)" et dont un locataire serait affecté négativement pas le coronavirus, l'étude au cas par cas des situations des PME touchées avec la mise en place de soutien adapté). La CBI a ainsi officiellement acté, le 19 mars, la mise en place d'un moratoire de 3 mois sur les paiements des prêts contractés auprès des banques irlandaise ;,
2/ salué la décision de la Banque Centrale d'Irlande (CBI) de réduire ses exigences en fonds propres, passant de 1% à 0% le taux du coussin de fonds propres contra-cyclique jusqu'au premier trimestre 2021 (a minima) afin de permettre aux banques irlandaises de soutenir leurs clients en difficulté (mesure qui pourrait débloquer jusqu'à 13Mds€ via la restructuration de prêts) ;
3/ demandé l'augmentation du plafond pour l'utilisation du paiement sans contact (30€ à 50€) permettant ainsi de couvrir la majorité des paiements par carte bancaire ;
4/ salué l'effort de la BPFI et de ses membres afin de maintenir les services offerts par le secteur bancaire. Le ministre a, avant tout, adressé un message de confiance aux agents économiques, quant à la capacité du secteur bancaire irlandais, fort de l’appui de la Banque Centrale et de la BCE, à garantir la liquidité de l’économie et à accorder des prêts au niveau requis par la crise résultant de la pandémie ;
5/ annoncé que la collecte des frais de mutation sur les cartes bancaires sera reportée à juillet (en temps normal, elle a lieu en avril) ;
6/ salué la décision de la BPFI d'engager des discussions avec les autres acteurs de l'économie irlandaise fournissant des prêts (secteur financier non bancaire notamment) afin de s'assurer que ces derniers fourniront le même niveau de flexibilité à leurs clients que le secteur bancaire traditionnel.
La banque irlandaise Permanent TSB (PTSB) offrira un moratoire d’uniquement deux mois (contre trois mois) pour les clients ayant d'ores et déjà accumulé des retards de paiements dans le cadre de prêts hypothécaires (arriérés avérés ou restructuration de prêts dont les exigences n'auraient pas été tenues). Elle a en outre décidé de valoriser financièrement l'engagement de la partie de leur main d'œuvre la plus mobilisée et exposée dans le cadre des réponses aux milliers d'appels téléphoniques reçus par semaine (SAV et support technique) via des indemnités s'élevant à 50€ par jour dès cette semaine et ce jusqu'à fin mai (ce qui représente 700 employés, environ 30% de leur main d'œuvre). BoI et Allied Irish Banks (AIB) ont quant à elles choisi de faire de même en accordant des indemnités mensuelles aux personnels ayant été forcés de venir en soutien à une autre agence surchargée à cause de la crise sanitaire.
Notation des banques irlandaises – L'agence de notation Fitch a réévalué à la baisse les perspectives des banques irlandaises AIB et BoI, faisant rentrer dans le négatif leurs prévisions concernant leur solvabilité. L'agence craint que les mesures prises (comme le moratoire de 3 mois sur les paiements) n'impactent à long terme la situation des banques (à court terme les mesures prises par la BCE permettront aux banques d'avoir accès au niveau nécessaire de liquidités). Fitch semble indiquer que les banques irlandaises restent fortement vulnérables aux difficultés rencontrées par les PME et à la substantielle augmentation du chômage anticipée. Les aides gouvernementales devraient permettre de limiter les pertes liées à l'apparition de prêts non performants et à la restructuration des prêts. Cependant, la valeur des actifs des banques pourrait pâtir de la crise tout comme leur rentabilité. Pour mémoirel, la notation des banques irlandaises est BBB et la banque PTSB n'est pas concernée car non notée par l'agence Fitch.
Prêts non performants et crise sanitaire – L’association professionnelle BPFI estime que le moratoire sur les prêts bancaires devrait être également appliqué par les entreprises gérant les portefeuilles de prêts non performants rachetés par des "fonds vautour". A ce titre, selon l'Irish Times, AIB aurait par ailleurs décidé de différer la cession d'un portefeuille de prêts immobiliers non performants d'un montant de 1,3Mds€ (projet "Oak"). Tout comme AIB, BoI retarderait la cession d'un portefeuille de prêts non performants qui était prévue pour le premier semestre 2020, au second semestre 2020. Les circonstances actuelles obligent les banques irlandaises à revoir leur planning concernant la cession via la titrisation de prêts non performants (PNP) à des tierces parties.
Assurances – La CBI a publié le 27 mars une déclaration encourageant les assurances à prendre les mesures les plus favorables pour leurs clients affectés par la crise sanitaire. Les journaux signalaient ces derniers jours une forte pression de l'opposition sur Pascal Donohoe et la CBI afin de faire réagir le secteur de l'assurance, dont certains acteurs semblaient refuser les réclamations de perte d'exploitation liées au coronavirus (apparemment non couvertes car non forcées par le gouvernement ou car pas de cas déclaré de Covid-19 au sein de l'entreprise). Les PME couvertes pour les risques liés à une maladie infectieuse se voyaient elles aussi refuser leurs réclamations, les assureurs arguant que le coronavirus n'était pas connu au moment de la rédaction des contrats. En réaction, la CBI a envoyé et publié une lettre ouverte aux acteurs du secteur de l'assurance, incitant ces derniers à accepter les réclamations de perte d'exploitation liées au virus et à interpréter favorablement pour les clients toute absence de clarté remarquée dans les contrats (Covid-19 devra par exemple être pris en compte dans les contrats liés aux maladies infectieuses).
Entreprises
Soutien aux PME irlandaises – La ministre irlandaise chargée des entreprises, Heather Humphreys, a annoncé un moratoire de 6 mois sur le paiement des intérêts et mensualités dans le cadre du programme d'aide aux très petites entreprises irlandaises, le MicroFinance Ireland Covid-19 loan scheme. Elle a encouragé les entreprises concernées (moins de 10 employés) à faire appel au programme d'aide gouvernemental. En outre, l'autorité fiscale irlandaise, Revenue Commissionner, a annoncé le 13/03 qu'elle différait le paiement des intérêts des PME ayant enregistré un retard d'acquittement de leur TVA en janvier et février et/ou des cotisations sociales en février et mars.
LE CHIFFRE DU MOIS
14,1
Il s’agit de la part de la population irlandaise âgée de 65 ans et plus en 2019, chiffre qui fait de l’Irlande le pays avec la plus faible part de la population âgée de plus de 65 ans au sein de l’Union Européenne. Le Luxembourg affiche quant à lui la seconde part la plus faible au sein de l’UE, la proportion des personnes âgées de 65 ans et plus s’établissant à 14,4% de la population totale. Les quatre pays de l’UE enregistrant les parts les plus élevées de personnes âgées de 65 ans et plus sont respectivement : l’Italie (22,8%), la Grèce (22%) ainsi que le Portugal et la Finlande (21,8%). Au total, l’Union Européenne compte en 2019 20,3% de sa population totale âgée de 65 ans et plus, soit en hausse de 0,3 points de pourcentage depuis 2018 et de 2,3 points depuis la décennie précédente.
Evolution des indicateurs macroéconomiques
Tableau mensuel
Tableau annuel
Source: DG Trésor